Voici la fable qui a inspirée la soirée du samedi du WE PoP. 

 

Il fut un temps lointain où le Périgord devint la terre d'accueil d'une faune en quête de tranquillité. L'engouement déclenché dans les sphères du royaume par les fameuses fables de la Fontaine avait quelque peu modifié le quotidien de certains animaux. Sollicités, adulés ou conspués, bon nombre de rat, âne, coq, loup, agneau, lion, tortue et autres individus cherchèrent des terres plus paisibles et fuirent les abords de la cour. 

Certes leurs réputations finirent par les rejoindre, transportées par les contes des troubadours. Mais les Périgourdins de nature paisible et modérée, accueillirent ces nouveaux arrivants sans frasques excessives. Quelques lieux cependant où ils trouvèrent refuge furent rebaptisés en leur hommage.  

De la tortue méthodique et ponctuelle accoucha Tourtoirac, l'agneau inspira Agonac, le rat naturellement donna vie à Razac, le lion fut sacré au Lyonnet. Certains parlent même de l'aigle d'Eyliac et de la brebis de Bergerac. 

Dans un bois tout près d'ici, un chat local plutôt véloce jouissait d'une aura naturelle de très bon chasseur de rongeurs. Il eut vent de cette éclosion récente de hameaux au nom bien particulier. Il vit alors d'un mauvais oeil l'arrivée de congénères susceptibles de lui faire de l'ombre. Et lorsqu'un âne rongé de toques déclencha la naissance du tout proche village de Tocane, il décida de prendre les devants avant qu'un usurpateur vienne lui voler sa gloire: il fallait qu'il agisse sans attendre car plus au nord des félins avaient posé leur baluchons et provoqué l'émergence des sites de Chalais, puis Chalus et plus près encore de Chamiers. 

Notre chat savait qu'au fond du bois voisin se terrait depuis peu un vieux loup. L'animal fuyait la peuplade, éreinté d'essuyer les reproches de tout part. Il aspirait simplement au calme de l'anonymat et n'espérait pas plus qu'un minimum de confort. Le chat alla le trouver et lui proposa un marché : devant les villageois locaux, le chat feindrait de mettre en fuite le loup. Il gagnerait en réputation et pourrait prétendre à une reconnaissance officielle. Le chat se voyait déjà tout en haut de l'affiche, sa statue trônant au milieu du village renommé Chagnac ou Chalac. Il promis en échange au loup de lui dénicher une tanière spacieuse, fraiche et confortable: les grottes des environs n'avaient aucun secret pour lui. Le loup accepta car son repère était des plus rudimentaire: une simple ouverture dans un gros roncier.

Or en ces lieux crapahutait un autre larron soucieux de fuir la réputation qu'il trimballait en ces temps: le lièvre. Il fuyait la proximité de la tortue et parcourait les environs en bonds successifs à la recherche d'un site où il pourrait faire valoir ses aptitudes physiques sans craindre les ragots. Ce mode de déplacement incessant (l'animal relevait certainement d'hyperactivité) lui valait le surnom de Hop-hop le lapin. Le lièvre s'accommodait très bien de ce sobriquet local, il suffisait à masquer son passé peu glorieux.

Le hasard de ses bonds fit qu'il croisa aussi le loup. Il s'attacha à l'observer de loin, afin de juger de la vélocité de l'animal: il fallait être sûr que personne ne puisse contester ses performances sportives. C'est lors d'une de ses séances d'espionnage qu'il surprit la discussion entre le loup et le chat. Il comprit aussitôt les intentions du chat et se jura qu'à la course à la réputation il était hors de question qu'il se fasse doubler sur le fil par un vulgaire matou. 

Quelques jours plus tard, le chat profita de la fête locale de juin pour alerter les badauds par de féroces miaulements. Il clamait à grand bruit qu'il repoussait les assauts d'un énorme loup sanguinaire camouflé dans l'épais roncier juste devant lui. Il était convenu qu'à ces mots le loup fuirait les lieux ventre à terre tout en s'assurant d'être aperçu par tous les témoins du moments. 

Mais c'était sans compter sur la ruse du lièvre: comprenant que le loup était inoffensif, il l'avait abordé puis lui avait offert un vieil os de cerf déniché dans un bosquet au cours de ses prospections bondissantes. Le vieux loup trop occupé à ronger son bien resta cloitré dans son bosquet. Lorsque les villageois virent frémir les feuilles des ronces, quelle ne fut pas leur surprise en voyant pointer le minuscule minois d'un lapereau apeuré, innocent complice du lièvre. 

Des rires incessant inondèrent les lieux et l'on douta à jamais des propos du chat. Une rumeur parcourut rapidement les rues: on doute du chat, on doute du chat... Tant et si bien que les habitants facétieux décidèrent de rebaptiser les lieux: Doucha. Mais comme la méchanceté n'était pas de coutume chez les désormais douchaptois, on décida de garder en hommage au chat le t muet et au loup le p muet. Le loup reçu même des villageois la jouissance des bois en échange de sa promesse de rester inoffensif envers les humains. Comme il fut fidèle à sa promesse, on nomma les lieux Sauvagnac, en échos à sa sauvagerie définitivement rangée aux oubliettes.

Le chat se terra dans une grotte secrète où selon certains il s'attacha à préparer sa vengeance. 

Et le lièvre me direz vous ? Trop heureux de bénéficier d'une zone sans concurrence il poursuivit ses bonds en diffusant sa vivacité d'esprit et son hyperactivité. Mais il gardait malgré lui une fâcheuse manie à défier la ponctualité. Ce n'est que bien des siècles plus tard qu'un collectif de sportifs, amoureux des bois et des facéties, reprit en parti le surnom du lièvre: Pop Pop Pop ! 

Si le hasard de vos pas vous mène en ces lieux, restez sur vos gardes: il se dit par ici que les premières nuits de juin on croise dans les bois de Sauvagnac trois curieux personnages: un lapin taquin qui vous défie au sprint, un énorme chat au proportion de loup qui vous attaque sans aucune pitié et un loup grincheux qui vous chasse pour garder sa tranquillité. 

Popnons nous dans les bois, temps que le loup n'y est pas, s'il y était il nous chasserait, si l'gros chat nous voit il nous effacera...

A bon entendeur, chalut !